INTOXICATION PAR L’ACIDE CYANHYDRIQUE


 

 

 

 

I/ INTRODUCTION :

L’acide cyanhydrique est l’élément actif, foudroyant, de ses composés toxiques : cyanures de potassium, de mercure…

Source et forme :

–         Le cyanure de potassium est utilisé en photographie, en galvanoplastie et pour le traitement des minerais d’or ; les acides même dilués (le suc gastrique par exemple) le décomposent et libèrent l’acide cyanhydrique.

–         Le cyanure de mercure, doublement toxique est attaqué par les protéines qui s’unissent au mercure et qui mettent en liberté l’acide cyanhydrique.

–         Par contre les sulfocyanures, les Ferri et ferrocyanures très stables, ne sont pas toxiques.

–         L’acide cyanhydrique, très volatil, se dégage aussi au cours de certaine opération industrielle (fabrication de gaz d’éclairage) ou de laboratoire. Il est utilise à l’état de vapeur pour la désinfection des locaux, la dératisation des navires ou la destruction des parasites des arbres fruitiers avec beaucoup de prudence.

–         Un certain nombre de produits (amandes amères, laurier cerise, amandes de noyaux de cerise, de pêches, d’abricots, haricots de Java ou du Cap) renferment un glucoside cyanogénétique qui sous l’influence d’un ferment se transforme en acide cyanhydrique.

 

II/ PHYSIOATHOLOGIE :

–         Les effets rapidement mortels de l’acide cyanhydrique s’expliquent par son action paralysante de l’hématose cellulaire.

–         Poison protoplasmique à très faible dose, il entrave les phénomènes d’oxydation par inhibition des oxydases, parmi lesquelles l’indo-phénol-oxydase ou ferment respiratoire de WARBUG dont l’élément actif est hémine ; l’ion CN se combine au fer trivalent et empêche la réduction du fer ferrique.

–         L’anoxie intracellulaire bloque les phénomènes vitaux, surtout dans les cellules du pédoncule cérébral. Le blocage est réversible sans altération profonde des cellules, d’où certaines tentatives thérapeutiques peuvent redonner aux tissus la capacité d’utiliser l’oxygène et vaincre l’asphyxie.

–         L’acide cyanhydrique et les cyanures, poisons catalyseurs biologiques d’oxydoréduction.

–         HCN excite passagèrement (convulsions) puis paralyse le système nerveux central en particulier les centres respiratoires et circulatoires. Après un grand spasme convulsif et inspiratoire, la respiration devient superficielle et irrégulière ; la syncope respiratoire précède l’arrêt définitif des mouvements cardiaques.

 

III/ MANIFESTATIONS CLINIQUES :

1-    Forme foudroyante :

L’individu rapidement terrassé, s’affaisse brusquement, privé de connaissance ; le corps se raidit, la respiration s’arrête ; De la bouche sort une écume sanguinolente, les pupilles se dilatent, quelques convulsions et la mort surviennent en quelques minutes.

2-    Forme aiguë :

–         Débute par des malaises diverses : vertiges, constriction de la gorge, amblyopie, oppression thoracique.

–         Interruption par une chute accompagnée  d’un cri et la perte de connaissance, puis apparaissent des phénomènes dyspnéiques (phase respiratoire) auxquels succèdent des accidents convulsifs (phase convulsive) avec ralentissement respiratoire et acheminement vers le coma et la mort  provoquée par l’asphyxie (phase asphyxique)

–         Si l’agonie se prolonge au-delà d’une heure, la guérison est probable et complète car l’intoxication est réversible : c’est « le tout ou rien. »

3-    Forme subaiguë :

–         Est caractérisés par des accès convulsifs se reproduisant toutes les deux ou trois heures et de plus en plus espacés.

–         La guérison survient après un certain nombre de jours.

 

IV/ TRAITEMENT :

Le traitement de l’intoxication (selon E.HUG) comporte :

  • Une injection IV de 10 cm3 de nitrite de Na à 3%, puis une injection IV de 50 cm3 d’hyposulfite de Na à 25%.
  • En même temps, respiration artificielle, inhalation de nitrite d’anyle (5 à 6 ampoules) et tonicardiaques.
  • Le glutathion réduit, catalyseur des oxydoréductions cellulaires, s’est montré expérimentalement un excellent antidote de HCN à la dose de 10 mg/kg, il favorise la reprise de la respiration tissulaire et combat l’asphyxie.

 

V/ FORMES MEDICO-LEGALES :

1-    Accidentelle : fréquente, le plus souvent d’origine alimentaire.

2-    Criminelle : rare, s’explique par la causticité et l’odeur de cyanure de potassium.

3-    Professionnelle : dans l’industrie, les intoxications peuvent survenir au cours de la fabrication du gaz d’éclairage, du gaz ammoniac, de la soude, de la soie artificielle, pendant des opérations de cémentation, d’extraction d’or, de bronzage, de soudure des métaux…

Des intoxications ont été signalées à la suite de résorption cutanée de solutions cyanurées ou de mélanges pour cémentation, manipulés imprudemment ou encore de cyanure de potassium utilisé  pour enlever les taches.

4-    Suicide : souvent raté, en raison de la carbonatation à l’air humide, jointe à une formiatation spontanée des cyanures en solution.

5-    Supplice : en Allemagne, les nazis ont exécuté de 1941 à 1944 des millions de déportés politiques ou raciaux dans leurs camps d’extermination en les asphyxiant avec le gaz cyanhydrique dans des « chambres à gaz » spécialement aménagés dans ce but.

 

 

 

 

 

VI/ DIAGNOSTIC MEDICO-LEGAL :

 

1-    Commémoratifs :

–         L’acide cyanhydrique est présent dans le laurier de cerise, l’essence d’amande, les liqueurs de noyaux, surtout celles dites de « fantaisie »

–         Les cyanures de potassium, de mercure, très toxiques ; Leur action est majorée par leur causticité.

–         Ces substances peuvent être libérées dans l’industrie et responsables d’intoxication professionnelles.

2-    Autopsie :

  • Phénomènes cadavériques : la rigidité est très précoce et durable ; les lividités des oreilles, des lèvres, des pommettes, des ongles ont une coloration rosée ; le sang est tantôt rouge vif, tantôt noir et fluide si le cadavre n’est pas frais ; retard de la putréfaction.
  • L’odeur d’amandes amères qui se dégage des viscères (estomac, poumons, cerveau) est caractéristique. HCN diffuse à travers la paroi stomacale après la mort. L’odeur se retrouve dans le bocal qui contient le cerveau prélevé.
  • Les signes d’asphyxie, inconstants, sont représentés par des ecchymoses externes de la face, du cou, de la poitrine ; par des ecchymoses sous pleurales et sous péricardiques ; par de la congestion et de l’œdème des poumons, par des suffisions sanguines sur le tube digestif et par des hémorragies méningées.

3-    Anatomopathologie :

  • Les poumons sont roses, ils peuvent contenir des zones fermes rouges noirâtres, d’infarcissement hémorragique.
  • Les lésions du globus pallidus rappellent aussi celle de l’intoxication par Co (ramollissement hémorragique et symétrique du pallidum.)
  • En cas de mort rapide, l’œdème cérébral avec piqueté hémorragique de l’encéphale (noyau lenticulaire) ont été signalé.
  • La causticité du cyanure de potassium, surtout lorsque celui-ci contient du carbonate de potasse, donne une coloration rouge écarlate à la muqueuse oesophagienne et gastrique qui est recouverte d’un enduit savonneux ; la paroi stomacale est rétractée, épaissie et infiltrée. Le contenu gastrique présente une réaction alcaline intense ; on y retrouve parfois des débris de verre de l’ampoule ayant contenu le poison.

 

VII/ RECHERCHES TOXICOLOGIQUES :

1-    Méthodes d’isolement toxicologique :

a-   Avec quelques gouttes du contenu gastrique filtré, on peut mettre en évidence la présence de cyanure de potassium ou d’acide cyanhydrique en faisant tomber ces gouttes dans une solution diluée, rouge porto, de méthémoglobine, laquelle se transforme en solution rouge orangée de cyan méthémoglobine,  dont le spectre d’absorption est caractéristique.

b-   L’isolement toxicologique de l’acide cyanhydrique, très volatil se fait par distillation des viscères rapidement broyés et additionnés d’acide tartrique qui le met en liberté ; ou bien on procède à décomposer par l’acide carbonique les cyanures d’argent (procédé de Jacquemin.)  L’acide cyanhydrique disparaît rapidement des organes, soit par volatisation soit par altération.

2-    Interprétation des résultats :

  • Un résultat négatif reste sans signification si l’analyse a été tardive.
  • Un résultat positif n’est pas concluant s’il est faible car les barbituriques produisent in vivo quelques milligrammes d’acide cyanhydrique.
  • Quant aux sulfocyanure on en trouve normalement dans la salive et des traces d’origine alimentaire dans les urines.
  • Les doses mortelles d’acide cyanhydrique sont de l’ordre de 1mg/kg en ingestion ou de 0.3 mg/l d’air respiré ou de 270 cm3/m3.

ð  A la dose de 0.15 – 0.02 mg/l la mort survient en ½ à 1 heure ou plusieurs heures.

ð  Une teneur < 0.02 mg/l d’air est inoffensive car le poison ne s’accumule pas, il est éliminé par les poumons ou neutralisé en carbonate ou sulfocyanure.

ð  Le cyanure de potassium tue à des doses comprises entre 15 et 20 centigrammes.

ð  50 grammes d’eau d’amandes amères sont mortels.

 

VIII/ LEGISLATION :

A paris, l’emploi HCN comme insecticide est interdit par le préfet de police. Pour l’utiliser en agriculture contre les parasites, il faut l’autorisation du ministère de l’agriculture.

L’acide cyanhydrique et les cyanures métalliques sont inscrits au tableau A des substances vénéneuses.

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