Examen gynécologique lors d’agression sexuelle (abus sexuel ou viol)


Bien que le récit de la victime, l’évaluation psycho-sociale et l’investigation juridique occupent une position clé dans le cadre des investigations d’une suspicion d’abus sexuel, il est de plus en plus fréquent que le pédiatre et le gynécologue de l’enfance et de l’adolescence soient confrontés à la demande d’un examen somatique dirigé.

La connaissance de l’aspect morphologique des organes génitaux selon l’âge de la fille et son stade développemental ainsi que la maîtrise des techniques d’examen appropriées sont les conditions indispensables d’une telle évaluation.

Démarches à entreprendre en cas d’agression sexuelle (abus ou viol)

<72 h après le dernier épisode = consultation et examen en urgence

Collecte : sous-vêtements, habits souillés (dans sac en papier, éviter les sacs en plastique fermés car l’humidité dégrade le matériel biologique). Veiller à ce que la victime ne prenne pas de douche ni de bain avant l’examen ano-génital !

Anamnèse : procès-verbal textuel des propos spontanés de l’enfant, description des circonstances de la consultation et du comportement observé. Procès-verbal du récit des accompagnateurs : qu’est-ce qu’a dit l’enfant, à qui, dans quelles circonstances?

Examen général : inspection en particulier de la peau et des muqueuses ainsi que appréciation du stade du développement pubertaire selon Tanner.

Examen gynécologique : examen morphologique externe avec test au bleu de toluidine (mise en évidence de lésions muco-cutanées invisibles à l’œil nu) et/ou examen colposcopique. Description, dessin, évent. photographie. Event. vaginoscopie, évent. anuscopie.

Objectifs de l’examen : détecter des lésions muco-cutanées fraîches (œdème, érythème, éraflures, érosions, hématomes, lacérations et/ou déchirures. Mettre en évidence du sperme ou tout autre matériel cellulaire provenant de l’agresseur afin de déterminer son code génétique. Diagnostiquer ou confirmer l’absence initiale d’une infection génitale.

Prélèvements : à but légal (éjaculât, poils, fragments de peau de l’agresseur ; frottis de la vulve, du périnée, du vagin, de l’urètre, de l’anus et évent. frottis buccal de la victime à la recherche de sperme; frottis de la muqueuse gingivale ou prise de sang pour déterminer le code génétique de la victime; recherches toxicologiques) et à but médical préventif et thérapeutique (recherche de maladies sexuellement transmissibles (MST) telles qu’hépatite B, C, HIV, Chlamydia, gonocoque, syphilis; évent. test de grossesse).

Pilule du lendemain ? : Méthode de Yuzpe : prescription de 50 µg EE + 250 µg lévonorgestrel (Tetragynon®) ou alors préparation à partir d’une

contraception hormonale orale, CHO, œstro-progestative faiblement dosée: 30- 35µg EE + 150 µg lévonorgestrel ou 250 µg norgestimate (2 x 4 cp à 12h d’intervalle) ; à partir d’une CHO œstro-progestative fortement dosée: 50 µg EE + 250 µg lévonorgestrel (Néogynon 21®, Stédiril-d®, Ologyn®) (2 x 2 cp

à 12h d’intervalle). Progestatifs oraux seuls: 1cp à 750µg levonorgestrel (Norlevo®), 25 x 1cp à 30µg = 750µg levonorgestrel (Microlut®),

 

Prophylaxie post-exposition ?: évaluer l’indication d’une prévention de l’hépatite B (début de vaccination ou booster) et du VIH (traitement médical préventif de courte durée). Critères : anamnèse de pénétration et/ou de contact des muqueuses ou des zones cutanées lésées de la victime avec du sperme. Si possible test HIV rapide chez l’agresseur. Examen du matériel collecté et des prélèvements médico-légaux : recherche de sperme ou d’autre matériel cellulaire provenant de l’agresseur dans le but de déterminer son code génétique. Le matériel est à adresser à l’Institut de médecine légale. Demander

une mise en attente du matériel si une plainte n’a pas encore été déposée.

Organisation du suivi médical : visite médicale de contrôle 2 à 4 semaines après la consultation initiale avec entretien et évent. contrôle clinique (selon l’anamnèse : recherche de Chlamydia par PCR dans les urines, recherche de gonocoques par culture, sérologies MST). Contrôles ultérieurs selon la situation (évent. test HIV 3 et 6 mois après l’agression),

Prise en charge psycho-sociale : évaluer les besoins d’une prise en charge psychologique immédiate de l’enfant ou de l’adolescente (év. debriefing) et des parents et/ou d’un soutien à long terme.

Démarches légales : discuter la situation dans le cadre d’un groupe de protection de l’enfance et décider des mesures pénales et civiles en fonction de l’évaluation globale de la situation ; informer la victime et/ou sa famille de l’existence d’un centre de consultation pour victimes d’infractions L.A.V.I. (se

basant en Suisse sur la Loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infraction).

Documentation : noms et coordonnées des accompagnateurs, des responsables en charge de l’affaire (police, justice), des assistants sociaux concernés.

> 72h mais :5 1 semaine après le dernier épisode = urgence différée (consultation à organiser avec personnel expérimenté disposant d’un équipement spécialisé

Collecte : éventuels sous-vêtements, habits souillés (dans sac en papier, éviter
les sacs en plastique fermés car l’humidité dégrade le matériel biologique).

Anamnèse : voir ci-dessus.

Examen général : voir ci-dessus.

Examen physique général et gynécologique : examen morphologique externe avec test au bleu de toluidine (mise en évidence de lésions muco­cutanées invisibles à l’œil nu) et/ou examen colposcopique. Description, dessin, év. photographie. Event. vaginoscopie et/ou anuscopie.

Objectifs de l’examen : détecter des lésions muco-cutanées récentes (éraflures, érosions, hématomes, déchirures). Diagnostiquer une possible infection génitale.

Prélèvements : à but médical préventif et thérapeutique (recherche de MST, évent. test de grossesse) et évent. légal (recherches toxicologiques).

Examen du matériel collecté et des prélèvements médico-légaux : voir ci-dessus

Organisation du suivi médical : contrôle 2 à 4 semaines après la consultation initiale (contrôle clinique et recherche de MST), ensuite selon la situation (évent. test HIV 3 et 6 mois après l’agression)

Prise en charge psychosociale : voir ci-dessus.

Démarches légales : voir ci-dessus.

Documentation : voir ci-dessus

 

Agression il y a > 1 semaine = consultation sur rendez-vous (consultation spécialisée)

Anamnèse : voir ci-dessus.

Examen général: voir ci-dessus.

Examen gynécologique : Examen morphologique externe, si possible colposcopique. Description, dessin, évent. photographie. Event. vaginoscopie et/ou anuscopie.

Objectifs de l’examen : détecter des lésions muco-cutanées anciennes. Diagnostiquer une possible infection génitale.

Prélèvements : selon anamnèse (sérologie des MST, prélèvements bactériologiques en particulier Chlamydia dans les urines, évent. recherche HPV sur le frottis cytologique du col chez l’adolescente) et symptômes (évent. recherche gonocoques, test de grossesse), évent. recherches toxicologiques.

Suivi médical : à définir en fonction de la situation

Prise en charge psychosociale : voir ci-dessus

Démarches légales : voir ci-dessus

Documenter : voir ci-dessus

Preuves

Une grossesse et la présence de sperme, sont considérées comme preuves formelles d’un abus sexuel. Les cultures positives pour Neisseria gonorrhoeae et une sérologie positive pour la syphilis ou le VIH – en dehors des formes congénitales – font fortement soupçonner un abus sexuel.

Les cas où l’abus sexuel est suivi d’une révélation ou d’une découverte immédiates par un tiers sont peu fréquents. Dans ces cas, l’examen médical poursuit trois buts essentiels : 1) relever des évidences médico-légales (sperme, cellules de l’agresseur pour déterminer son code génétique) ; 2) mettre en évidence des lésions physiques éventuelles; 3) préserver la santé de la victime (recherche infectiologique, mesures de prévention post-expositionnelle : traitement HIV préventif, vaccination hépatite B ou booster, pilule du lendemain).

Dans la majorité des cas la révélation intervient toutefois plus tardivement. L’examen gynécologique sert alors à identifier des séquelles locales. Les modifications morphologiques suivantes sont considérées compatibles avec l’anamnèse d’un abus sexuel :

Il est nécessaire de faire la distinction entre des modifications anatomiques suspectes et des modifications correspondant vraisemblablement à des variations anatomiques sans signification. Celles-ci ont également été observées chez des filles sans

 

antécédents d’abus sexuel et doivent pour cette raison être considérées comme aspécifiques.

Rôle de l’âge de la victime au moment de l’abus sexuel et à celui de l’examen médical

L’appréciation de la morphologie hyménale est particulièrement difficile en puberté et postpuberté en raison des changements physiologiques de l’aspect hyménal dus à l’œstrogénisation (hymen charnu avec possible atténuation d’anciennes modifications hyménales, augmentation de l’élasticité hyménale).

Diagnostic différentiel

Certaines particularités ano-génitales peuvent être à l’origine d’une erreur diagnostique. L’examinateur non averti peut rencontrer des difficultés d’appréciation en face des pathologies suivantes : lichen scléro-atrophique, hémangiome vulvaire, prolapsus uréthral, polype uréthral, absence congénitale de la fusion périnéale médiane (diastase anale).

Pro memoriam

Rappelons que même des abus sexuels chroniques, perpétrés sur une longue durée, ne provoquent que très rarement des séquelles spécifiques au niveau des organes génitaux externes. Cela s’explique, d’une part, par le fait que les formes d’abus sexuel les plus fréquentes (attouchements digitaux, péniens et oraux, masturbation forcée) ne provoquent pas de lésions génitales directes et, d’autre part, par une excellente capacité de régénération et de réparation de ces tissus. Contrairement à ce que l’on pourrait attendre, un abus sexuel avec pénétration ne va ainsi pas obligatoirement laisser des séquelles physiques repérables.

Conclusion

Un aspect normal ou aspécifique des organes génitaux externes n’exclut ni un abus sexuel unique ni un abus chronique, que le dernier épisode soit récent ou ancien. Inversement, l’aspect morphologique suspect ne peut à lui seul constituer la preuve d’un tel abus.

Une documentation descriptive et si possible photographique peut en revanche servir à titre comparatif lors de contrôles ultérieurs ainsi que, le cas échéant, pour établir une expertise médico-légale.

 

Bibliographie

A case-control study of anatomic changes resulting from sexual abuse, Berenson AB, Chacko MR, Wiemann CM, et al. Am J Obstet Gynecol (United States), Apr 2000, 182(4) p 820-31; discussion p 831-4

The hymen is not necessarily torn after sexual intercourse, Rogers Deborah J., Stark Margaret. BMJ. 1998, 317. 414

Extraits du VADEMECUM de pédiatrie, 1ère édition octobre 2001, Département Médico-Chirurgical de Pédiatrie Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, CHUV et Hôpital de l ‘Enfance de Lausanne, HEL

Auteur : S.-C. Renteria Médecin associé Dép. de Gynécologie et Obstétrique, CHUV, Lausanne

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